« Près de Borghetto, deux ambassadeurs de la Seigneurie de Venise virent à la rencontre du roi. Descendant de cheval, ils se baisèrent la main avant de la présenter au roi ; mais ils ne baisèrent pas la main du roi quand il la leur présenta. Après eux arriva le révérendissime cardinal Ascanio qui, sans descendre de sa mule, rendit hommage au roi en se découvrant. Le roi se découvrit, lui aussi, pour le recevoir. Puis tous deux se couvrirent la tête. Le révérendissime cardinal Ascanio, chevauchant à la gauche du roi, l'accompagna par le pont Milvio jusqu'au palais de Saint-Marc. Nous arrivâmes à ce palais vers deux heures de la nuit, par un chemin couvert de boue et d'eau. Sur presque toutes les maisons, depuis le palais qui sert de résidence au cardinal de Lisbonne près de l'église de Saint-Laurent in Lucina jusqu'au palais de Saint-Marc, il y avait des feux allumés, des torches, des flambeaux. Tous criaient : « Francia ! Francia ! Colonna ! Colonna ! Vincoli ! Vincoli ! (allusion à Giuiliano Della Rovere) ». Quand nous fûmes devant le palais de Saint-Marc, le révérendissime cardinal Ascanio ne descendit pas de sa mule ; mais, se tenant à la droite du portail, il assista, tête découverte, à l'entrée du roi qui lui donna congé, et il se retira. Ni Guiliano Della Rovere, ni aucun des autres cardinaux n'accompagna le roi.
Aujourd'hui, avant l'entrée du roi dans la Ville, les clefs de la porte Viridaria, de la porte du Belvédère et toutes les autres portes furent remises au grand maréchal de France, ambassadeur du roi. Ceci sur la demande du maréchal et après la convention avec le pape. Les Français disaient en effet – en cela ils ne se trompaient pas – que ces clefs avaient été remises au roi de Naples Alphonse II pendant son séjour dans la Ville, et que le roi de France n'était pas inférieur à ce roi.
Le même jour, dernier de décembre, vêpres papales dans la grande chapelle. Elles ont été, comme de coutume, commencées par le pape qui assistait. »
Déclare le maître de Cérémonie Johannes Burckard dans son journal, écrivant ainsi une étape éminente et conséquente pour les guerres d'Italie. Au travers de son style d'écriture anodine et descriptive, se cache les plus vives tensions politiques. La France est enfin arrivée triomphante à Rome en ce 31 décembre 1494, aux côtés des ennemis mortels du pape Alexandre VI Borgia : Giuliano Della Rovere et les Colonna. Si le pape semble ne montrer aucune attention particulière à Charles VIII de France, le roi Très Chrétien commence à prendre ses aises. Les rumeurs se multiplient entre les partisans des Borgia et ceux de Della Rovere. Les uns, évoquent le fait qu'Alexandre VI prépare une stratégie de défense pour affirmer le pouvoir de l’Église sur la royauté française. Venise n'a guère caché son hostilité envers l'envahisseur lors de leur arrivée. Le pape avec les États Pontificaux, la République, ainsi que le duché de Milan, le Saint Empire Germanique et la couronne d'Aragon se réuniraient pour former la Ligue de Venise en vue de contrer la puissance de Charles VIII. Les autres contre Rodrigo Borgia, murmure que le pape est fini, qu'il risque de perdre sa tiare papale avant même d'avoir pu fêter sa troisième année de règne. Ce serait la raison de la venue du roi hormis, sa demande sur le droit à la couronne de Naples. Guiliano Della Rovere serait le favoris et le plus ambitieux pour lui succéder.
Quant à la populace n'a que faire de l’échiquier géopolitique. Elle s’inquiète avant tout de leur sort. Il n'est pas méconnu que l'armée française dispose de canons et que ses années de guerres contre l'Angleterre leur ont permis d'être de cruels guerriers qui détruisent tout sur leurs passages. La tranquillité et confiance de Burckard en rédigeant son journal n'est-elle pas naïve ? La France va-t-elle rester paisible lors de leur séjour à Rome ? Rodrigo Borgia va-t-il trouver une solution ?
Un autre événement en cette fin d'année 1494, vient donner un coup de grâce à l'édifie des Borgia. Lors de leur marche sur Rome et sur Naples, le roi de France et ses troupes ont fait escale à Florence. Le berceau de la Renaissance voit son gouvernement, celui des Médicis, fragile face à l'apparition du moine dominicain de Ferrare : Girolamo Savonarola. Celui-ci prétend recevoir le message de Dieu. C'est en prédisant que l'apocalypse était aux portes de Florence à cause de la corruption de l'Eglise et que Charles VIII viendrait en sauveur, qu'il a su rallier la foule florentine à sa cause. Girolamo Savonarola est critique envers la papauté notamment, le pape Alexandre VI. Il est favorable à sa déposition que le roi de France, influencé par Guiliano Della Rovere doit entreprendre. Ainsi, en négociant avec les Français, Girolamo réussit à prendre le pouvoir obligeant les Médicis à fuir la cité pour Rome où ils espèrent que le pape leur viendra en aide. Savonarola met en place une République Théocratique. Celle-ci est dirigé par Dieu à travers le moine dominicain. Florence est plongée dans l'austérité. Les tavernes, les bordels, les lieux peu saints sont fermés. La messe est obligatoire ainsi que la pauvreté. Les jeunes sont enrôlés pour faire régner la loi en entrant chez les gens à la recherche de tout objet vaniteux et superficiel (art, littératures, décorations etc...) qui finiront dans le bûchés des Vanités. Toute personne à l'encontre des idéaux de Savonarola est sévèrement punis. Malgré la sévérité du nouveau régime, le peuple Florentin apprécie grandement le changement. Ces idées parcourent l'Italie et sert de prémices de contre-réforme qui sera lancé par Martin Luther et Jean Calvin. L'Eglise doit se confronter à cette autre forme de contestation. Et vous de quel côté serez-vous ? Continuerez-vous à suivre la parole divine de la Sainte Eglise ?